L’activité agricole

Jusqu’à la fin du 19ème s./début du 20ème s., l’activité agricole reposait sur une économie paysanne de subsistance. Chaque famille vivait en autarcie, possédait quelques bêtes pour se nourrir et travailler et vendait le surplus de production (oeufs, tommes, beurre…) sur les principaux marchés (Grenoble, Voiron…). Le développement des voies de communication puis la mécanisation ont modifié ce système de polyculture-élevage. Aujourd’hui, les principales productions en Chartreuse sont le lait, la viande et le vin.

CULTURE

Les céréales, qui ont longtemps constitué la base de l’agriculture préalpine, étaient l’une des cultures principales du massif de Chartreuse. Les récoltes de froment, seigle, orge et avoine étaient consommées par les hommes et les bêtes, l’excédent revendu. Avec l’amélioration du réseau routier, les céréales ayant peu de rendements ont été abandonnées et importées. Toutefois, la culture céréalière, notamment du maïs, a été relancée au cours du 20ème s. grâce à l’assainissement de la plaine de l’Isère.

La viticulture, attestée dès l’Antiquité sur le territoire allobroge, auquel se rattache le massif de Chartreuse, a joué un rôle important dans l’économie paysanne du Moyen Age. Coteaux et plaines du rebord oriental et du balcon sud du massif étaient plantés de vignes jusqu’au début du 20ème s. Des familles des Entremonts, des Petites Roches  et du massif des Bauges cultivaient des petites parcelles de vigne, situées sur le piémont du Granier et les pentes de La Terrasse, du Touvet… Cette pratique, attestée dès le Moyen Age, a généré une architecture spécifique, le cellier ou sarto. Ce bâtiment permettait de se loger le temps des travaux, de vinifier et de stocker le vin. La production était destinée à la consommation personnelle ; elle était parfois vendue aux cafetiers et aux négociants. Par la suite, dans les années 1930, des caves coopératives ont été créées dans le Grésivaudan. 5 communes du Parc bénéficient aujourd’hui de l’Appellation d’Origine Contrôlée « Vin de Savoie », reconnue en 1973.

Bénéficiant d’une bonne exposition et de précipitations suffisantes, le plateau des Petites Roches était un producteur de foin renommé. L’excédent de la production était vendu à des « courtiers » de la vallée du Grésivaudan ; descendu à dos d’hommes ou de bêtes, puis stocké dans des hangars situés à Lancey, La Terrasse et Tencin, il était ensuite expédié par radeau sur l’Isère ou par train jusqu’à Grenoble, Romans, Beaucaire ou Tarascon.

Le chanvre, qui était utilisé pour la confection de cordage et de toiles, a été cultivé durant des siècles sur le massif. Toponymie et documents anciens en attestent, mais rares sont les battoirs à chanvre ou les routoirs aujourd’hui conservés.

ELEVAGE

Dès le Moyen Age, les communautés religieuses, qui possédaient de vastes domaines pastoraux, pratiquaient l’élevage, principalement d’ovins. Cette activité, qui constituait une source de revenus, permettait également de fournir les peaux nécessaires à la fabrication de manuscrits et de produire des fromages. A la période d’estive, les troupeaux, confiés aux religieux puis à des bergers, pâturaient les prairies et les alpages de Chartreuse. Les hommes étaient logés dans des haberts, qui abritaient également une fromagerie, les bêtes installées dans une vaste halle ou étable. Fromages et beurre étaient produits sur place. Cette pratique se maintient aujourd’hui sur les alpages du Charmant Som ou de la Réserve Naturelle des Hauts de Chartreuse.

Les troupeaux de chèvres et de moutons occasionnant de nombreux dégâts sur la végétation, les élevages caprin et ovin ont disparu au cours des 18ème s. et 19ème s. au profit de l’élevage de vaches laitières. A la fin du 19ème s./début du 20ème s., plusieurs coopératives laitières, ou fruitières, ont été créées dans les Entremonts, les Petites Roches, le Val de Couz ou encore le secteur du Mont-Beauvoir. La vallée des Entremonts s’est spécialisée dans l’élevage de « melons ». Ces jeunes boeufs, achetés en Tarentaise ou Maurienne, étaient engraissés durant l’hiver, puis revendus au printemps sur les foires de Chambéry Montmélian et Rumilly. Ils étaient ensuite utilisés dans les travaux des champs, notamment dans les vignobles de la cluse de Chambéry et du Haut Grésivaudan. Cet élevage, qui a connu un essor à la fin du 19ème s., permettait d’écouler l’excédent de fourrage récolté à la belle saison, difficilement transportable au vu de l’état des routes ; il a perdu de son importance à partir de l’entre-deux-guerres. Les paysans des Petites Roches ont, quant à eux, pratiqué la « commende ». Cette tradition ancienne consistait à élever des bêtes laissées en « garderie » par des gens de la vallée du Grésivaudan durant la saison d’inalpage.

L’élevage du ver à soie, ou sériciculture, était également pratiqué en Chartreuse comme activité d’appoint ; rares sont les magnaneries créées sur le massif, l’élevage se faisait à la maison, dans un espace chauffé. Introduite au 14ème s. en France, la sériciculture se développe considérablement au début 19ème s. Les « éducateurs » recevaient des œufs, appelés « graines », mis en incubation. Après éclosion, les vers étaient nourris de feuilles de mûrier. Au terme d’une trentaine de jours et de plusieurs mues, ils tissaient leur cocon sur des végétaux. Les cocons recueillis, destinés à la confection de la soie, étaient étouffés dans des fours, afin que les papillons ne sortent pas, puis vendus.

PAYSAGES

Culture et élevage ont longtemps façonné le paysage de Chartreuse. Depuis la déprise agricole de l’après-guerre, l’identité paysagère du cœur de massif se caractérise par la forêt et son omniprésence ; malgré la gestion actuelle des milieux forestiers et le développement de l’élevage extensif, la limite du boisement s’est fortement abaissée par rapport aux siècles précédents, entraînant une fermeture du paysage.

Les piémonts est et sud du massif, couverts de vignes jusqu’à la fin du 19ème s./début du 20ème s., ont été également colonisés par les bois, mais aussi urbanisés. Le seul vignoble préservé en Chartreuse couvre le secteur des Abymes, parsemé de celliers et de mollards.

Les coteaux de l’avant-pays de Chartreuse, à l’ouest du massif, sont, quant à eux, dominés par des paysages de bocage entretenus par l’élevage bovin et des vergers. Quelques zones humides y sont préservées, maintenues par le pâturage et la fauche.