L’exploitation du milieu naturel

De tout temps, l’homme a exploité les ressources naturelles que lui offrait son environnement pour un usage domestique, puis artisanal et industriel. Cette activité tenait au 19ème s./début du 20ème s. une place importante dans l’économie du massif de Chartreuse. Le développement du réseau viaire et l’arrivée du chemin de fer ont contribué à l’essor de certaines industries, notamment cimentières, encore en activité aujourd’hui.

EAU

Le massif de Chartreuse est sillonné par de nombreux cours d’eau, exploités par l’homme dès le Moyen Age et jusqu’au début du 20ème s. pour actionner différents artifices, tels que moulins à farine, gruoirs, battoirs à chanvre, pressoirs, scies, tourneries, moulins à pierre… L’eau, source d’énergie, était généralement dérivée en amont des artifices par un canal, ou béal, qui alimentait parfois une réserve d’eau, afin d’en réguler le débit ; une canalisation amenait l’eau sur une roue, horizontale ou verticale, ou une turbine, qui entraînait le mécanisme. Si la plupart de ces artifices sont aujourd’hui en ruines, bon nombre de ces ouvrages hydrauliques sont encore très présents dans le paysage.

L’énergie hydraulique a été convertie sur le massif dès les années 1890 en énergie électrique. Des centrales hydroélectriques ont été construites à l’initiative d’industriels (Félix Poulat, Auguste Bouchayer…), afin de faire fonctionner leurs usines (brasserie, moulin à ciment…) et d’éclairer le village ; elles sont installées sur le Carré, le Cernon, le Guiers Vif, la Vence… La plupart de ces centrales produisent toujours de l’électricité et sont aujourd’hui exploitées par « Electricité de France » ; d’autres, créées plus récemment, sont le fait de producteurs privés d’électricité, qui lui revendent directement l’énergie produite.

Des sources d’eau minérale ayant des vertus thérapeutiques ont été découvertes en Chartreuse. La source d’eau minérale ferrugineuse de La Bauche, connue à la période gallo-romaine, a été redécouverte en 1862 par le comte Crotti de Castigliole, qui s’est lancé dans la mise en bouteilles de cette eau et la fabrication de pastilles ; il a également fait construire des bains, qui ont accueilli des curiste jusqu’à la fin des années 1930, faisant ainsi de La Bauche une station thermale. A Saint-Pierre-d’Entremont Savoie, l’eau d’une source sulfureuse aurait été mise en bouteille dès 1777. La « Société des Eaux Minérales de Saint-Pierre-d’Entremont », fondée en 1893, projetait de construire un établissement thermal sur la rive droite du Guiers, en amont du bourg, et de commercialiser l’eau. La concurrence de Challes-les-Eaux a fait échouer ce projet.

PIERRE ET TERRE

De nombreuses carrières ont été ouvertes à différentes époques sur l’ensemble du massif, exploitant à ciel ouvert ou en galerie des bancs de calcaire, de lauze, de molasse, de brèche, de graviers…  La pierre extraite était principalement utilisée comme matériau de construction : pierre de taille, moellons, pignons à redans, fontaines, bordures de tramway, plaques foyères… Bien que la végétation ait repris ses droits, de beaux fronts de taille sont encore visibles sur l’ensemble du massif ; quelques galeries accueillent aujourd’hui des champignonnières. Le calcaire a été également transformé en chaux et en ciment, laissant dans le paysage quelques vestiges de fours à chaux ou des cimenteries en friches (Le Sappey-en-Chartreuse, Montagnole, Saint-Martin-le-Vinoux, Voreppe…).          

Plusieurs gisements de pierre de nature diverse (grès, brèche calcaire, granite…) ont été exploités sur le territoire pour produire des meules de moulins destinées à moudre le grain. L’activité de ces meulières remonte au Moyen Age, parfois à l’Antiquité, et cessa avec l’arrivée du chemin de fer au cours du 19ème s. La plupart des meulières étaient d’importance locale, à l’exception de quelques-unes qui ont atteint une ampleur industrielle. Différentes techniques d’extraction ont été mises en œuvre, selon le type de gisement exploité, comme en témoignent les vestiges retrouvés : carrières souterraines (Saint-Christophe-la-Grotte), carrières à ciel ouvert où les pierres sont taillées verticalement (Quaix-en-Chartreuse…) ou horizontalement (Corbel, Proveysieux…), carrières sur blocs (Mont-Saint-Martin, Saint-Pancrasse, Fontanil-Cornillon…).

Outre leur utilisation dans la construction, le sable et l’argile ont été exploités pour la fabrication de tuiles, de briques réfractaires, de verre, de moules de fonderie… Le site d’exploitation de Saint-Jean-de-Couz conserve des témoins de cette activité : vaste dépression, tunnel d’accès ; à Proveysieux, on peut encore voir sur le site du Crozet la gare de départ des wagonnets sur câble. La production de sable et d’argile était soit utilisée localement (briqueterie de Saint-Christophe-la-Grotte, tuileries des vallées du Guiers et du Grésivaudan…), soit expédiée dans d’autres régions.

MINERAI DE FER

Le massif de Chartreuse comporte quelques gisements de minerai de fer, l’un d’entre eux ayant été exploité par l’homme dès le Moyen Age. La mine de Bovinant est en effet attestée au 12ème s. ; elle conserve des boisages datés du 16ème s. grâce à la dendrochronologie. Le minerai extrait de ce site était transformé jusqu’au début du 18ème s. dans le haut-fourneau de Noirfond, installé le long du Guiers Vif à Saint-Pierre-d’Entremont et aujourd’hui en ruines, et dans celui de Fourvoirie à Saint-Laurent-du-Pont.

COMBUSTIBLES FOSSILES

Des combustibles solides ont été extraits au 19ème s. et durant la prremière moitié du 20ème s. du sol et du sous-sol du massif : la tourbe aux environs de Saint-Laurent-du-Pont et le lignite des vallées du Grésivaudan et de la Roize. Ces énergies ont joué un rôle important dans l’économie locale à un moment où la forêt était surexploitée et les combustibles manquaient.