La filière bois de Chartreuse

DES FORESTIERS QUI SE MOBILISENT

La Chartreuse compte environ 13 000 propriétaires forestiers privés. Ils possèdent en moyenne une surface de 1,8 hectare, souvent répartie en plusieurs parcelles non contiguës. Ce constat n’est pas une originalité de la Chartreuse, c’est un problème récurent de la forêt privée en France. Mais la force du massif consiste en l’implication bénévole d’un grand nombre de propriétaires forestiers, regroupés en groupement de sylviculteurs. Ces associations, en contribuant à la formation des propriétaires forestiers à une gestion durable, jouent un rôle important dans le maintien de la culture forestière locale.

Des propriétaires forestiers se regroupent également pour réaliser des routes forestières permettant de desservir les massifs peu ou pas accessibles. Ces accès sont très importants pour la gestion des forêts locales. En effet, les forestiers de Chartreuse, en forêt publique comme en forêt privée, sont très attachés à la sylviculture en futaie irrégulière.

Ce mode de gestion se caractérise par des arbres à différents stades de développement. Les coupes visent à ne prélever qu’un volume équivalent à l’accroissement pour permettre une régénération en continu favorisant une mise en lumière suffisante du sous-bois. Mais, si ce mode de gestion est idéal pour les forêts de Chartreuse, il demande un accès simple et proche pour pouvoir intervenir régulièrement.

Des pros du bois qui s’organisent pour travailler ensemble. Les échanges entre professionnels et la structuration de la filière qui en découle portent ses fruits.

En 2004, un séchoir collectif était installé à Saint-Pierre d’Entremont. Il s’agit d’un outil mis en place par la filière locale avec l’appui du Parc de Chartreuse. Ainsi, cinq artisans se sont associés pour créer une SARL et monter un séchoir qui permet aux scieries de Chartreuse de fournir des bois secs aux clients. Cet outil est devenu peu à peu indispensable à la filière locale qui peut ainsi intégrer les nouvelles normes constructives.

Autre exemple, les architectes actifs au sein du CIBC ont également joué la mise en réseau en se regroupant au sein d’Archichart. Ce groupe de réflexion et d’échange d’expériences en lien avec le massif de Chartreuse porte une grande attention aux circuits courts et à la nécessité d’utiliser les ressources disponibles sur place. En 2011, quatre habitations légères de loisir ont également été réalisées et installées au camping de l’Ourson à Saint-Pierre d’Entremont. C’est une nouvelle illustration de la volonté des professionnels locaux de travailler ensemble. Dans un premier temps, à la demande du Parc naturel de Chartreuse, un groupe d’architecte, a réfléchi à un concept d’habitation légère de loisir original et adapté aux conditions climatiques locales. Ensuite, cinq charpentiers se sont regroupés pour les réaliser.

En 2015, 5 professionnels de la filière bois (couvreur, charpentiers, menuisier) se sont regroupés afin de permettre l’acquisition d’une machine de taille numérique capable de tailler les bois massifs issus des scieries du territoire. Cette outil est utilisé régulièrement par les professionnels concernés par la structure et permet de répondre aux marchés publiques comme celui des nouvelles caves de Chartreuse basé à St Laurent du Pont.

UNE FILIÈRE BOIS ENCORE COMPLÈTE

Maillon indispensable de la filière bois, la scierie fait le lien entre la ressource locale et les utilisateurs finaux que sont les charpentiers, les architectes et les constructeurs bois. Depuis plusieurs dizaines d’années, les scieries ont tendance à diminuer en nombre et grossir en capacité de transformation. Les zones de montagnes ne sont pas épargnées par ce phénomène. Résultat, les scieries de moyennes dimensions disparaissent peu à peu des montagnes et les vallées accueillent des scieries de plus en plus importantes.

Pour conserver la notion de circuit court et garder la maîtrise de l’utilisation de la ressource forestière de la Chartreuse, le maintien des scieries sur le territoire est donc une priorité. En effet, ces scieries locales assurent un rôle dans le type même de gestion forestière pratiquée sur le massif. Leur présence contribue au cadre de vie et à l’économie locale. Ces scieries structurent l’offre pour les charpentiers locaux en permettant le contact et la prise en compte plus précise de leurs attentes. Le maintien des scieries est à relier avec une exploitation de qualité. Celle-ci s’appuie sur la présence de bûcherons compétents, encore bien représentés en Chartreuse.

UN SAVOIR-FAIRE RECONNU

Composante indispensable du dossier de reconnaissance de l’AOC “Bois de Chartreuse” en cours d’instruction par l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), l’étude approfondie réalisée par Nadine Ribet, ethnologue, a permis d’identifier les savoir-faire professionnels mis en œuvre par l’ensemble des acteurs de la filière bois en Chartreuse. Au cours d’un patient travail scientifique de près d’un an, réalisé à partir d’entretiens et d’observations directes sur le terrain, elle s’est attachée à saisir sur le vif, à appréhender et à restituer toutes les opérations et interventions qui sont au cœur du métier de chaque acteur. Elle a ainsi pu identifier l’usage des outils, les machines et techniques employées, la gestuelle, les postures, les sens mobilisés, les tours de mains et le langage.

En parallèle, une enquête a été menée auprès des charpentiers utilisateurs de bois de Chartreuse dans le quart sur Est de la France. Réalisées auprès de plus de 50 professionnels, l’analyse des réponse a permis de définir les principaux termes décrivant les Bois de Chartreuse : Solidité, finesse du graine, rectitude …